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Comment se priver des richesses pétrolières en étant un pays sous-développé ? L’initiative Yasuní

Dernière mise à jour : 18 avr. 2022



Source : El Universo

À l’instar des pétromonarchies du Golfe, Qatar ou Arabie Saoudite, les sociétés latinoaméricaines ont proposé à travers le temps, avec plus ou moins de succès, une autre utilisation des richesses d’extraction de ressources naturelles.


Le Vénézuela, la Colombie, l’Équateur, la Bolivie, le Brésil et le Pérou figurent parmi les pays les plus riches au monde en termes de faune et flore. L’Amazonie, poumon de la Terre, s’étale de part et d’autre du sous-continent apportant un climat chaud et humide.

Paradoxalement, ces pays sont à la tête de liste des pays extracteurs de ressources minières ou pétrolières qui représentent un danger immédiat et irréversible pour l’écosystème. D’une part, le Vénézuela, assis sur les plus grandes ressources de pétrole du monde, avec la Colombie, l’Équateur et le Brésil occupent respectivement la 22ème, 21ème, 28ème et 9ème place des principaux pays exportateurs de pétrole. L’industrie minière est l’une des principales activités économiques du Pérou, avec l’extraction d’or et d’argent, et de la Bolivie où la production de lithium est notamment considérée comme l’«or blanc» pour la fabrication de piles ou bien de batteries pour les voitures électriques.


Dans ce contexte, les États doivent faire le choix entre préservation de l’environnement ou bien extraction minière polluante mais assurant de forts revenus dans une région qui comptait en 2020, 33% de la population vivant sous le seuil de pauvreté.



L’Équateur et la « Révolution citoyenne » (2007-2017)


L’Équateur, aussi surnommée « le pays des 4 mondes », est un petit pays andin d’Amérique du Sud, voisin de la Colombie et du Pérou. Le pays se divise en plusieurs régions : la Sierra (Région montagneuse) ; la Costa (La côte maritime) ; l’Amazonie et les Galapagos (Ensemble d’îles au large du Pacifique). L’économie équatorienne, ayant comme monnaie nationale le dollar américain, repose principalement sur l’exportation de pétrole et des produits du secteur primaire, tels que la pêche de la crevette et du thon, les fleurs et la culture de la banane.

La politique équatorienne a amorcé de 2007 à 2017 un développement vers le « socialisme du XXIème siècle », avec le double mandat de Rafael Correa qui s’inscrivait dans un courant de pensée altermondialiste, anti-impérialiste et voulant rompre avec le néo-libéralisme. L’économiste de profession jouissait sous sa présidence d’une grande popularité, il a été salué internationalement pour l’efficacité de ses mesures économiques. Selon la Banque Mondiale, la pauvreté en Équateur a reculé de 36,7% en 2007 à 22,5% en 2014. Rafael Correa, surnommé « Mashi » (Compagnon en Quichua) compte dans ses premières années d’homme politique sur le soutien des principales organisations indigènes de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE). La Constitution de 2008 reconnaît l’espagnol comme langue officielle de la République équatorienne mais introduit des langues indigènes, le Quichua et le Shuar, comme langues semi-officielles, leur reconnaissant un statut de langue de relations interculturelles.



Le parc national Yasuní


Le parc national de Yasuní est situé dans l’Amazonie équatorienne, à l’Est du pays andin. C’est la plus grande aire protégée d’Équateur avec ses 10 000m2 désignés comme « Réserve de biosphère » en 1989 par l’UNESCO. Elle préserve en son sein une biodiversité très riche avec pas moins de 2113 espèces animales identifiées par les scientifiques. Le peuple indigène Huaorani et les groupes Tagaeri et Taromenane veillent à préserver sur ce territoire leur culture et leur mode de vie au contact de la nature, à l’écart de la société. À lui seul, le parc national réunit plus d’espèces végétales que toute l’Amérique du Nord.

Sous terre, il y regorge 856 millions de barils de pétrole selon le gouvernement équatorien, ce qui représenterait boost non négligeable (Environ 7 milliards de dollars à l’époque) pour l’économie nationale.

Néanmoins, l’autorisation d’exploitation du parc national irait en opposition avec les engagements du gouvernement « correista » qui se réclame écologiste et soucieux du respect des communautés indigènes.



L’initiative Yasuní-ITT


Le 26 septembre 2007, le président équatorien s’adresse à la communauté internationale au pupitre de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies. Il propose une idée pour le moins originale et inédite jusqu’alors. Le chef d’état réclame à la communauté internationale un dédommagement financier en contrepartie d’une non-exploitation du pétrole dans le parc de Yasuní. Il argumente que l’exploitation du pétrole représenterait une contamination de l’atmosphère de 407 millions de tonnes de dioxyde de carbone qui n’affecterait non seulement l’Équateur, mais l’ensemble de la planète. À titre de comparaison, la France dégageait environ 400 millions de tonnes de CO2 chaque année pour la période concernée, pour une population presque 4 fois supérieure à l’Équateur. L’initiative s’inscrit donc dans une logique transfrontalière, considérant la Terre comme bien universel et appelant l’union des pays sur la protection de l’environnement. Pour le gouvernement équatorien, cela représenterait une main basse sur d’importantes ressources financières sans même ériger un seul puit. Le ministre des énergies du gouvernement « correista », Galo Chiriboga, concrétise le projet le 10 décembre 2007 et impose un montant minimum pour la non-exploitation du parc naturel : 350 millions de dollars américains par an de la part de la communauté internationale.


Le gouvernement équatorien promettait d’investir cette somme, dans des projets de bifurcation écologique, afin de réduire progressivement sa dépendance au pétrole au profit de l’hydroélectrique, la géométrie et d’autres sources d’énergies alternatives afin d’alimenter l’Équateur en électricité par de nouvelles techniques plus soucieuses de l’environnement. De plus, dans une logique comparable aux redistributions des richesses pétrolières du gouvernement chaviste au Vénézuela, l’État équatorien prévoyait d’affecter cette somme à des programmes sociaux en faveur de l’éducation, de la santé et la conservation des aires protégés.


« Le monde nous a laissé tomber »


Rafael Correa espérait recevoir de la communauté internationale environ 3,6 milliards de dollars en 12 ans soit la moitié de la valeur estimée du sous-sol du parc national de Yasuní. Après plusieurs contacts prometteurs entre les délégations équatoriennes et les gouvernements des grandes puissances mondiales, les promesses de don n’en sont restées qu’au stade de la parole. En 2013, gouvernement équatorien dit n’avoir reçu que 13 millions et attend toujours 116 millions de dollars de promesses de don.

Les grandes puissances occidentales ont justifié ce manque de soutien par une difficulté économique mondiale après la crise financière de 2008.

Le président Rafael Correa déclara à ce sujet en 2013 « L'élément fondamental qui explique l'échec du projet est que le monde est d'une grande hypocrisie. Avec une profonde tristesse… J'ai dû prendre l'une des décisions les plus difficiles de mon gouvernement en signant le décret qui liquide le fonds Yasuni ITT et met ainsi fin à cette initiative.”


L'État équatorien mit en marche l’exploitation des ressources pétrolières en 2016 dans le parc national de Yasuní, promettant que celle ci n’affecterait qu’une infime partie de la surface totale de la réserve.


Qu’en est-il aujourd’hui ?


De nombreuses ONG et les communautés indigènes dénoncent les conséquences de l’extradition de pétrole sur le parc national. La Wildlife National Society en Équateur démontre, dans son rapport de 2020, une diminution de la population de singes-araignée, entre autres primates. Elle établit un lien direct avec le développement et les infrastructures de l’industrie pétrolière dans le parc de Yasuní.

La France, après avoir été particulièrement frileuse sur le projet Yasuní, finance actuellement à travers l’Agence Française de Développement (AFD) plusieurs programmes contre la déforestation en Amazonie, et notamment à Yasuní, pour un montant de près de 10 millions d’euros dont 1 million directement destiné à soutenir le gouvernement local équatorien dans le développement de systèmes agricoles et forestiers soutenables.


Correa disait des grandes puissances que “le monde nous a laissé tomber”, mais ne serait-ce pas nous qui laissons tomber le monde?


Théo DENESLE







Références :

https://es.mongabay.com/2016/09/yasuni-explotacion-petrolera-amazonia-ecuador/

https://es.wikipedia.org/wiki/Iniciativa_Yasun%C3%AD-ITT#Historia


Intervención del señor presidente de la República del Ecuador economista Rafael Correa, 26 de septiembre de 2007, Asamblea general de las Naciones Unidas [https://www.un.org/webcast/ga/62/2007/pdfs/ecuador-sp.pdf]


https://www.afd.fr/es/carte-des-projets/apoyo-al-desarrollo-sostenible-de-territorios-amazonicos

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