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Annulation des condamnations de Lula : vers un retour au pouvoir en 2022 ?


L’ancien Président Luiz Inácio Lula Da Silva. Crédits : FABRICE COFFRINI – AFP

Après 1 an et demi de prison et 7 ans d’engrenages judiciaires, les condamnations pénales de la figure politique la plus populaire du Brésil ont été annulées ce lundi 8 mars, par Edson Fachin, un juge de la Cour Suprême du Brésil. Luiz Inácio Lula da Silva est libre. Mais pas totalement sorti d’affaires.


Celui qui a été Président du plus grand pays d’Amérique latine de 2003 à 2011 était sous le joug de 4 condamnations pénales mises en lumière par une immense enquête de lutte anti-corruption : « Lava Jato » (lavage express en portugais).


Les accusations à l’encontre de Lula liées à la corruption sont les suivantes :


· utilisation irrégulière de fonds publics pour financer une campagne politique (2004). En plus de cela, financement illégal de sa fondation l’institut Lula;


· pots-de-vin immobiliers : dont un appartement triplex en bord de mer et des travaux dans sa maison de campagne menant à une condamnation pour corruption et blanchiment d’argent (2016) ;


· et dons frauduleux du n°1 du BTP en Amérique latine, Odebrecht, connu pour son implication marquée par des contributions financières généreuses auprès de différentes personnalités politiques. Ses manœuvres ont pour but de servir ses intérêts économiques, tout comme Petrobras, son équivalent dans le domaine pétrolier (2016).


· Le cofondateur du Parti des Travailleurs (PT) aurait instauré un véritable système de pots de vins mêlant Petrobras et Odebrecht pour faciliter des contrats à ces entreprises cotées en bourse, en échange de sommes conséquentes. Il a ainsi été inculpé avec Dilma Rousseff pour délit d’organisation criminelle et tentative d’entrave à la justice (2016 et 2017).


C’est le non moins fameux juge Sérgio Moro, accessoirement ex-ministre de la justice de Bolsonaro, qui avait condamné Lula da Silva. Ce juge a été, dès lors, véritablement érigé en héros qui sauve la démocratie en punissant les coupables nuisant au peuple, à la paix et ainsi au développement du Brésil. C’est Sérgio Moro qui avait orchestré l’opération Lava Jato. Il en est encore le symbole, même si aujourd’hui son impartialité est largement remise en cause.


Ici Sergio Moro représenté en Superman et Lula ridiculisé en prisonnier. Crédits photo : Nelson Almeida – AFP

Pour annuler les condamnations de l’ancien « élu du peuple », le Juge de la Cour Suprême a basé sa décision sur le fait que le tribunal qui avait procédé aux condamnations (Tribunal de Curitiba) n’était territorialement pas compétent pour juger de l’affaire, rendant ainsi à Lula ses droits politiques. En pratique, fin 2019 la Cour Suprême avait déjà procédé à sa libération carcérale, mais il était jusqu’alors toujours interdit d’élection. L’affaire devra donc être rejugée par un tribunal de Brasilia. En attendant, Lula a recouvré son droit de se présenter à une élection.


Car oui, contrairement aux Constitutions que nous connaissons, la Constitution brésilienne permet de faire plus de deux mandats, à condition de ne pas dépasser deux mandats consécutifs.


Lula pour 2022 ?


Selon Bruno Meyerfeld, correspondant du Monde au Brésil, l’ex-président ne cacherait pas ses ambitions politiques. De plus, un récent sondage lui donnerait 50% des voix contre 38 pour l’actuel Président Bolsonaro. Seul candidat potentiel susceptible de remporter la présidentielle face au solide Bolsonaro, Lula a déjà reçu le soutien politique de la gauche latino-américaine (le président argentin Alberto Fernandez, ainsi que les anciens chefs d’Etats bolivien et uruguayen Evo Morales et José Mujica). Depuis cette décision juridique qui a secoué le monde politique, des personnalités internationales telles que Mélenchon ou Anne Hidalgo lui ont également manifesté leur appui.


Le pays est plongé depuis 6 ans dans une crise économique aggravée par la crise sanitaire. Comme son voisin étasunien, un retour à gauche serait envisageable pour le Brésil après le mandat tumultueux de Bolsonaro qui, en plus de ses frasques propres à un personnage d’extrême-droite, est critiqué pour sa gestion de la crise (avec plus de 260 000 morts, le Brésil compte parmi les pays aux plus hauts taux de mortalité dû au Covid-19, et malgré cela le chef d’Etat est contre la vaccination, qu’il a tout fait pour empêcher).



Pour une grande partie du peuple brésilien, les deux mandats de Lula sont associés au redressement voire à la prospérité économique. C’est pendant cette période que le Brésil a pris sa place au sein des prestigieux BRIC (plus tard BRICS). Le pays avait réussi à sortir de son marasme économique et montait en puissance. Le Brésil a ensuite rechuté financièrement sous les présidences de D. Rousseff et M. Temer.


Cet ancien ouvrier avait contribué à l’amélioration du niveau de vie des personnes issues des classes sociales défavorisées, notamment en imposant des quotas d’admission d’élèves Noirs et/ou de familles défavorisées dans les universités. Ainsi, il est resté très populaire malgré les controverses qu’il y a pu y avoir à son sujet.


Tous corruptibles ?


« Opération Lava-Jato : Oula ! Doucement avant que n’apparaissent d’autres noms » - Sur un baril de pétrole, plusieurs logos de partis politiques.

Si Lavo Jato a autant scandalisé ce pays conscient de la corruption qui le gangrène, c’est à cause du degré d’implication des hauts responsables politiques - tous partis confondus - et de géants financiers cotés en bourse, révélant une étendue des dommages plus vaste que l’imaginaire collectif. En 2013, la chambre des députés s’est même vu soumettre un projet de loi pour que la corruption passe de délit pénal à « crime odieux ».

En plus des soutiens de Lula, nombreuses sont les voix qui crient au complot politique. Parmi eux, Glenn Greenwald, le célèbre journaliste américain qui a fait éclater l’affaire Snowden. En juin 2019, il révélait des preuves d’une complicité entre le juge Sérgio Moro et Bolsonaro afin d’écarter Lula du pouvoir.


L’objectif sous-jacent de cette enquête titanesque aurait en fait été une récupération politique pour disqualifier la gauche. La destitution de Dilma Rousseff et les condamnations sans preuve de Lula sont source de méfiance vis-à-vis de cette opération qui a favorisé l’actuel dirigeant d’extrême-droite. Pour Gaspard Estrada, directeur exécutif du centre de recherche Amérique latine et Caraïbes de Sciences Po, cette retentissante campagne anticorruption aurait été instrumentalisée par Bolsonaro pour légitimer sa place actuelle, jusqu’à son élection. A partir de l’élection de ce dernier, les investigations de Lava Jato ont mystérieusement freiné, jusqu’à la mise à terme de l’opération le mois dernier.


En réponse à la décision de justice du 8 mars 2021, Bolsonaro fustige : le Juge Fachin ne serait pas impartial non plus. Ce dernier aurait un lien très fort avec le PT (Parti des Travailleurs). Ce qui expliquerait aussi le choix de Fachin reprendre ce jugement de Lula maintenant. L’annulation des condamnations de celui qui est pressenti comme l’opposant principal de Bolsonaro,coïncide avec des élections qui approchent puisqu’elles auront lieu dans un an. Juste le temps pour Lula de se préparer à une campagne présidentielle.


Le 12 mars, le parquet général a décidé de faire appel de la décision du juge Fachin. Affaire à suivre…



Yasmina Saindou


Sources :


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