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Dans les prisons équatoriennes, une explosion de violence aux multiples causes

Dernière mise à jour : 18 avr. 2022


Des habitants attendent des nouvelles de leurs proches détenus à la prison de Guayaquil en Équateur, suite à un nouveau massacre, le 30 septembre 2021. Crédit : Vicente Gaibor Del Pino / Reuters.



En 2021, plus de 300 détenus sont morts dans les prisons équatoriennes suite à des affrontements entre gangs. Cette extrême-violence en milieu carcéral a plusieurs explications et s’observe dans d’autres pays sud-américains.



Une effroyable série


L’année 2021 a été marquée par une succession de massacres dans les prisons équatoriennes, en particulier dans la ville côtière de Guayaquil, au sud-ouest, la deuxième plus peuplée du pays. En février 2021, des affrontements dans quatre prisons coûtaient la vie à 79 détenus. Fin septembre de la même année, la prison du Littoral de Guayaquil était le théâtre du pire massacre pénitentiaire de l’histoire de l’Amérique du sud, avec 119 morts. Au mois de novembre encore, 68 prisonniers y perdaient la vie. Face à cette crise, l’armée a été sollicitée à plusieurs reprises pour reprendre le contrôle des prisons. Le Président conservateur Guillermo Lasso et son gouvernement ont aussi décrété un état d’exception, comprenant notamment la présence continue de 3600 policiers et militaires dans les 65 prisons du pays afin de prévenir de nouveaux drames. Une des causes de cette violence réside dans le manque de moyens humains et matériels dont souffre le système pénitentiaire. Dotées de 29 000 places, les prisons équatoriennes accueillent 39 000 détenus. Par ailleurs, le pays compte en moyenne un gardien pour 26 détenus, alors que les normes internationales correspondent à un gardien pour 9 détenus. La surpopulation carcérale, associée au manque de personnels, favorise les actions violentes des gangs puisque l’autorité de l’Etat est diminuée. Ainsi se développent en prison des micro-sociétés ultra-violentes, où les mafias dictent leurs lois. Chaque groupe attaqué entend se faire justice lui-même en se vengeant, alimentant un cercle vicieux meurtrier.


Narcotrafic et “guerre contre la drogue”


L’Équateur n’est pas un pays de production de drogue. En revanche, sa situation géographique, entre la Colombie au nord et le Pérou au sud, en fait un pays de transit. Un tiers de la production de coca colombienne passe par son territoire avant d’être exportée vers l’Amérique du Nord et l’Europe. À la prison de Guayaquil, les narcotrafiquants détenus sont issus de sept organisations criminelles différentes, liées à des cartels mexicains ultra-violents comme ceux de Sinaloa et Jalisco Nueva Generación. Les affrontements trouvent le plus souvent leur origine dans des rivalités entre gangs pour contrôler la prison ou bien à l’intérieur même des groupes pour exercer le leadership. Des armes blanches, des armes à feu, de la drogue et des explosifs franchissent les murs et circulent librement une fois à l’intérieur grâce à la corruption des gardiens. Au cours des dernières années, la répression de l’État équatorien contre le narcotrafic s’est amplifiée, avec le soutien des États-Unis. Plus de 150 tonnes de stupéfiants ont été saisies dans le pays en 2021, contre 80 tonnes en 2019, d’après des chiffres rapportés par le quotidien espagnol El País en octobre dernier. Le nombre de détenus pour narcotrafic est également allé en grandissant, passant de 2350 en 2015 à 8000 fin 2021. La “guerre contre la drogue” a paradoxalement pour effet d’accroître l’insécurité dans les prisons en augmentant encore plus la surpopulation carcérale.


Des conditions de détention inhumaines


Dans un entretien accordé à Radio France International en octobre 2021, Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur et Directeur de l’Observatoire de l’Amérique latine, souligne que d’autres pays sud-américains connaissent des affrontements en prison comparables à ceux auxquels est confronté l’Équateur. C’est notamment le cas au Brésil, au Mexique ou au Salvador. L’Observatoire international des prisons et le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme dénoncent régulièrement la vétusté des établissements pénitentiaires en Amérique du sud, mais aussi le difficile accès aux soins et à l’hygiène pour les détenus. Ils appellent les Etats à assurer leur sécurité. En Bolivie, au Pérou ou au Guatemala, la surpopulation carcérale est largement supérieure à celle constatée à Guayaquil par exemple. L’épidémie de Covid-19 a enfin entraîné une interruption des visites des proches, qui apportaient habituellement des biens de première nécessité aux détenus.



Guilhem Fabry


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