Rosario Murillo et Daniel Ortega représentés en grand sur les murs de la capitale, Managua. (Crédits : Oswaldo Rivas / Reuters)
Le 7 novembre dernier, Daniel Ortega, 76 ans, a été réélu pour un quatrième mandat consécutif à la tête du Nicaragua. Alors qu’il avait pris part à la guérilla sandiniste pour renverser la dictature de la famille Somoza à la fin des années 1970, il est à son tour devenu dictateur.
Un ancien guérillero devenu dictateur
En 1979, la guérilla sandiniste – du nom de Sandino, figure nicaraguayenne révolutionnaire du début du XXe siècle – renverse la dictature des Somoza. Depuis 1936, cette famille dirigeait le pays d’une main de fer, avec le soutien des Etats-Unis. Le sandinisme défend l’État de droit, le pluralisme politique et la justice sociale. Daniel Ortega dirige une première fois le Nicaragua de 1979 à 1990. Cette période est marquée par une guerre civile entre les guérilleros sandinistes parvenus au pouvoir et des groupes armés financés par les Etats-Unis, les « Contras ». En 2007, il accède de nouveau à la Présidence du pays et instaure une dictature, en contrôlant peu à peu tous les pouvoirs et tous les secteurs économiques. Il supprime de la Constitution la limitation du nombre de mandats présidentiels et attribue tous les postes clés du régime à des membres de sa famille. Enfin, il peut compter sur le soutien financier du Venezuela. Cet argent issu des exportations de pétrole est en partie redistribué aux plus démunis à travers des programmes sociaux et selon une logique clientéliste, garantissant à Daniel Ortega une base de soutiens. Les idéaux sandinistes de la révolution de 1979 sont oubliés, au profit d’un système néolibéral. Le Président et sa femme, la Vice-Présidente Rosario Murillo, sont affichés en grand à travers toutes les régions du pays. Tous les jours à l’heure du déjeuner, cette dernière déroule un long monologue à la radio où elle aborde les grands chantiers en cours et délivre conseils et anecdotes aux auditeurs. La dictature s’infiltre ainsi partout dans le quotidien des habitants, jusque dans leurs foyers.
En 2018, un soulèvement populaire écrasé dans le sang
Le 18 avril 2018 éclate dans la capitale Managua un mouvement de protestation inédit contre la dictature de Daniel Ortega. D’abord porté par les étudiants puis soutenu par la majorité de la population, y compris le patronat et l’église catholique, il émerge suite à une série de réformes de la sécurité sociale. Aux cris de « justice », « liberté» et « Dictature non, démocratie si », les manifestants réclament la fin du régime et des élections anticipées. En réponse, le gouvernement choisit la répression. 328 manifestants sont tués, 2000 autres blessés et 800 opposants sont jetés en prison. 100 000 personnes sont également obligées de fuir. La plupart d’entre elles rejoignent le Costa Rica voisin. Une mission du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme documente des exécutions extra-judiciaires, des disparitions forcées et des faits de torture commis par des milices aux ordres du gouvernement. La Commission interaméricaine des droits de l’homme dénonce elle « un crime contre l’humanité » tandis qu’Amnesty international parle d’opérations de « nettoyage » contre les manifestants. Face à ces accusations, Daniel Ortega pointe du doigt les Etats-Unis, coupables selon lui de « conspiration ». Il affirme que les services secrets nord-américains auraient entraîné des manifestants pour tenter de le renverser.
L’élection présidentielle de 2021, un simulacre de démocratie
A l’occasion du scrutin présidentiel de novembre 2021, l’autoritarisme de Daniel Ortega se révèle encore une fois au grand jour. Ses principaux opposants, qualifiés de démons, sont tous arrêtés. C’est le cas de Cristiana Chamorro. Journaliste et fille de l’ancienne Présidente du Nicaragua Violeta Chamorro, elle faisait figure de favorite avant son arrestation en juin. La presse est également menacée, à l’image du quotidien indépendant La Prensa, qui avait largement couvert les manifestations de 2018 et qui se montrait très critique à l’égard du gouvernement. Des organisations de défense des droits humains sont dissoutes. Aucun observateur indépendant n’a pu entrer dans le pays pour s’assurer de la régularité de l’élection du 7 novembre 2021. Ortega remporte 76 % des suffrages. Des journalistes étrangers estiment que plus de 80 % de la population s’est abstenue, en suivant les appels au boycott de l’opposition. Alors que Daniel Ortega et ses proches mènent un train de vie fastueux, un quart des 6 millions de Nicaraguayens ne mange pas à sa faim. Aussi, plus aucun citoyen ne peut aujourd’hui s’exprimer ouvertement contre le gouvernement, au risque d’être emprisonné ou tué. A la misère et aux privations de libertés s’est ajoutée dernièrement la gestion catastrophique de l’épidémie de Covid-19, le Président Ortega minimisant grandement la crise sanitaire. L’opinion nicaraguayenne espère à présent que les pressions internationales, à commencer par le renforcement des sanctions nord-américaines contre le régime, mèneront à la chute d’Ortega et à un avenir libre et démocratique.
Guilhem Fabry
Comments