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Photo du rédacteurECIAPanthéonSorbonne

La civilisation Aztèque et les sacrifices humains

Parmi les manifestations religieuses des peuples de l’ancien Mexique, la pratique du sacrifice humain est sans doute celle qui a le plus frappé les esprits, depuis les témoignages espagnols au XVIe siècle jusqu’aux interprétations des spécialistes modernes.


Les Aztèques (Azteca ou Mexica) dominaient avec éclat la plus grande partie du Mexique quand les conquérants espagnols y pénétrèrent en 1519. Leur langue, leur religion s’étaient imposées, de l’Atlantique au Pacifique et des steppes du nord au Guatemala, sur d’immenses étendues. Les premières troupes des Mexicas s’étaient fixées sur un îlot du lac de Texcoco, où s’élève actuellement la cité de Mexico. C’était une population sous-développée et belliqueuse venant de la région d’Atlan, qui dut se contenter de cette lagune défavorisée au milieu des eaux saumâtres du lac. Ils créèrent en 1325 leur capitale Tenochtitlan. Selon les descriptions de Bernal Diaz del Castillo, la ville se présentait comme une Venise du Nouveau Monde. Isolée sur une île du lac, à l’arrivée des Européens, la ville avait dépassé ses limites insulaires pour gagner les rives du lac. Selon les récentes estimations, la ville devait abriter au minimum 150 000 à 200 000 personnes.


En un siècle, ils imposent leur hégémonie à tout le centre du pays, là où s'étaient jadis épanouies des civilisations éclatantes, dont ils seront les héritiers. Dans l’histoire des civilisations, l’Amérique préhispanique est un monde à part: les cultures indigènes se sont développées dans l’autarcie du continent, en des directions qui aujourd’hui encore ne manquent pas de surprendre les esprits de l’Ancien Monde. Selon l’anthropologue Christian Duverger: “il est donc important d’accepter que le raisonnable, la logique, l’efficace puissent être, chez les Aztèques, autres que chez nous.”



L’importance de la guerre chez les Aztèques


Si les Aztèques sont les derniers venus sur la scène de l’histoire précolombienne, leur tumultueuse ascension marque l’apogée des civilisations de l’ancien Mexique. Le monde aztèque, au contraire des peuples maya ou zapotèques, s’est développé grâce à des guerres incessantes. Cette tribu, issue des régions septentrionales, doit son expansion à ses guerriers. En effet, les chefs aztèques pratiquaient une politique très impérialiste et soumirent successivement les peuples du Mexique central, qui étaient sur leur déclin. Puis il se frayèrent un chemin vers la mer et le golfe, en même temps qu’ils prenaient pied sur la rive du Pacifique. Ils formaient ainsi le plus vaste empire du Mexique pré-colombien. En 1520, à l’arrivée des Espagnols, ils achevaient cette formidable poussée par laquelle ils contrôlaient un territoire plus vaste que la France.



La guerre, comme les Aztèques la comprenaient, avait certes pour leur État des buts positifs tels que la conquête de territoires mais elle devait aussi, et surtout, leur permettre de sacrifier des prisonniers. Les batailles étaient moins menées pour tuer les ennemis mais pour en capturer le plus possible.



Religion et politique des sacrifices humains chez les Aztèques


Selon les mythes aztèques, l’humanité actuelle devait son existence à Quetzalcóatl. C’est en effet le serpent à plumes qui alla dérober aux enfers les ossements des morts et les arrosa de son propre sang pour leur redonner la vie. La mission de l’homme en général, et plus particulièrement celle de la tribu aztèque, peuple du Soleil, consistait à repousser infatigablement l’assaut du néant. A cette fin, il fallait donc fournir au Soleil, à la Terre, à toutes les divinités, « l’eau précieuse » sans laquelle le monde cesserait de fonctionner : le sang humain. De cette notion fondamentale découlent la guerre sacrée et la pratique des sacrifices humains.


Tous les peuples autochtones, partout dans l’Empire au XVIe siècle, ont pratiqué ces sacrifices, chacun à sa manière. Mais si ces cardiectomies avaient gardé un aspect relativement exceptionnel, chez les Aztèques leur fréquence fut nettement plus importante. Pour la dédicace de la grande pyramide de Tenochtitlan, en 1487, les prêtres sacrifièrent plus de 20 000 prisonniers de guerre.

Les Aztèques croyaient que l'apparition chaque jour de l'astre solaire et le maintien de l'univers dépendaient de sacrifices pratiqués par des prêtres. Les sacrifices avaient lieu au centre de Tenochtitlan, dans la pyramide de Huitzilopochtli. Les pyramides, temples nommés teocalli ou maisons des dieux, sont généralement jumelées; car elles sont vouées simultanément à deux grands dieux, Quetzalcóatl et Tezcattipoca. Le couple créateur, l’Aigle et le Jaguar, emblèmes des ordres guerriers et des armées, qui ont le devoir de nourrir le Soleil, Huitziloppochtli – associé à Tlaloc, le dieu de la pluie- par des sacrifices humains.


Les fonctions et significations du sacrifice humain se révèlent extrêmement diverses selon les participants et les contextes rituels. Il y avait plusieurs types de victimes, les prisonniers de guerre, les esclaves et les individus ayant été choisis pour personnifier un des « dieux » sur Terre. Ces derniers étaient honorés toute l'année comme des divinités avant d’être sacrifiés. Depuis le xixe siècle, deux grands types d’interprétation ont donc été avancés pour expliquer le sacrifice humain aztèque : une explication « énergétique » considérant le sacrifice comme un moyen d’alimenter et de vivifier les divinités et ce qu’elles représentaient, et une approche plus « spirituelle » selon laquelle l’acte sacrificiel rachetait les fautes et facilitait l’accès à des au-delà glorieux.


Cérémonie sacrificielle aztèque, Codex Maglabechiano

Le sacrifice le plus courant consistait à étendre la victime sur la pierre et lui ouvrir la poitrine pour lui arracher le cœur et le présenter au Soleil. Mais les Aztèques pratiquaient aussi d'autres sortes de sacrifices, comme la décapitation de jeunes filles tels les épis de maïs pour favoriser les cultures, ou encore l'écorchement, où l'on se vêtait de la peau sanguinolente de la victime. Après la mise à mort, le corps de la victime pouvait être décapité, écorché, dépecé et même consommé.




Camille Doux




Sources :

Jacques SOUSTELLE, PUF, Collection Que Sais-Je ?

H.STIERLIN, Le Monde de l’Amérique pré-colombienne, Ed princesse. 1979

G. OLIVIER, Compte-rendu de Le Sacrifice humain chez les Aztèques de Michel Graulich, Paris, Fayard, 2005.

Christian DUVERGER, La fleur létale, économie du sacrifice aztèque, Recherches Anthropologiques sous la direction de Remo Guidieri /Seuil




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