Le mois de septembre en Uruguay est connu pour être le mois de la diversité. À cette
occasion, des activités et des manifestations sont principalement organisées par les collectifs
LGBTQIA+ et les mairies pour visibiliser la diversité sexuelle.
Marie de Montevideo (septembre 2021). Crédit : Ernesto Ryan.
Depuis une dizaine d’années, la mairie de Montevideo organise des activités et des
événements pendant le mois de septembre. L’idée est de revendiquer la diversité et de
promouvoir les droits des personnes LGBTQIA+ face aux discriminations qu’elles vivent au
quotidien. L’année 2022 est une date historique et commémore les 30 années de la première
manifestation publique défendant la cause LGBTQIA+ en Uruguay. Le choix d’employer le
terme “diversité” souligne une volonté étatique de lutter contre toutes les formes de
discrimination dans la société, dans le sens d’une perspective intersectionnelle des luttes
sociales.
Les activités culturelles et événements impulsés par la ville de Montevideo
Basta de discriminación: la lucha continúa (“Stop à la discrimination : la lutte continue”), est
une exposition de photographie organisée sur la place Cagancha, durant le mois de
septembre, dans le centre de la capitale de Montevideo, qui a rendu dommage à un groupe
d’activistes uruguayens LGBTQIA+. Le 28 juin 1992, ils sont sortis dans les rues pour
réclamer leurs droits, ont occupé l’espace public pour visibiliser leur cause et en finir avec les
discriminations. Cette exposition est l'œuvre de la photographe, artiste et chercheuse
paraguayenne Diana Mines.
Afin de revendiquer cette perspective intersectionnelle, l'événement AfroDiversxs, organisé
par la municipalité de Montevideo, le samedi 10 septembre dernier, a proposé une série de
spectacles artistiques, mettant en scène des artistes afro LGBTQIA+, à travers la musique et
les arts.
La ville de Montevideo s’est également “vêtue de diversité” durant le mois de septembre.
Huit endroits emblématiques de la ville ont arboré, le temps d’un mois, le drapeau
arc-en-ciel, ou ont été illuminés avec les couleurs du drapeau, symbole de la fierté
LGBTQIA+. La Porte de la Ciudadela (portée d’entrée au centre historique), le château du
Parc Rodó, et l’édifice de la Mairie sont des exemples d’endroits où l’on pouvait trouver les
couleurs du drapeau LGBTIQA+, avec pour objectif de reconnaître et de valoriser la diversité
dans la capitale. Le drapeau arc-en-ciel, en tant que symbole du mouvement LGBTQIA+, a
été utilisé pour la première fois en 1978 à San Francisco, aux États-Unis, à l’occasion de la
Gay Pride (Marche des fiertés) du 25 juin 1978.
Lettres de Montevideo, sur la rambla de Pocitos, dans le quartier huppé de Pocitos, sous les
couleurs du drapeau arc-en-ciel, symbole du mouvement LGBTQIA+.
La ville de Montevideo a également apporté son soutien à la Marche pour la Diversité, qui a
eu lieu le 30 septembre dernier et organisée en partie, par le collectif LGBTQIA+ Ovejas
Negras, une organisation de défense de la diversité sexuelle qui vise à lutter contre toutes les
formes de discrimination dans la société.
L’inversion des rôles de genre par des étudiant.e.s lycéen.ne.s
Dans notre société, subsiste encore des attentes particulières envers les personnes en fonction
de leur genre. L’imaginaire collectif attend des femmes qu'elles restent confinées dans un
espace privé et qu’elles portent des vêtements jugés “féminins”. Pour lutter contre ces normes
sociétales, des étudiant.e.s de plusieurs lycées du pays ont refusé de poursuivre ces codes
vestimentaires sexistes et binaires et ont remis en question les normes genrées.
Dans le cadre du mois de la diversité, un appel a été lancé dans plusieurs lycées à se rendre,
chaque jour, dans son établissement scolaire, avec une tenue correspondant à la thématique
du jour : lundi de printemps, mardi en pyjama, mercredi monochromatique, jeudi formel, et
vendredi en jupe.
Des étudiant.e.s se rendent dans un lycée du pays en jupe. Crédit : Juan Manuel Ramos.
Derrière cette action symbolique, les étudiant.e.s des lycées de IAVA, Dámaso, Zorrilla, et
Miranda, revendiquent le fait que chaque étudiant.e puisse s’habiller librement et exprimer
son identité de genre comme il/elle le souhaite, sans être victime de discrimination. Réfuter
les codes vestimentaires est une approche ludique pour dénoncer la violence verbale voire
physique subie par certain.e.s étudiant.e.s en raison de leur tenue vestimentaire. Ces
situations de discrimination peuvent entraîner des troubles psychologiques importants, en
l’absence d’espace pour pouvoir exprimer son identité.
L'initiative est née en 2021, dans le lycée IAVA, à Montevideo, suite à plusieurs témoignages
d’étudiant.e.s affirmant que les autorités de l’établissement scolaire refusaient que les élèves
entrent dans l’enceinte de l’établissement avec des tenues jugées inappropriées. D’autres
lycées se sont joints à la proposition avec le temps. Cette initiative permet également aux
femmes de rompre avec les diktats de beauté imposés par la société et de refuser de porter des
tenues dites féminines.
La Marche pour la Diversité
La Marche pour la Diversité est une manifestation organisée dans la ville de Montevideo,
chaque année, le dernier vendredi du mois de septembre, depuis 2005. La manifestation
commence au niveau de la Place Cagancha, où a lieu le before de la manifestation, avec des
stands et des activités qui sont organisés la veille de la manifestation, et prend fin sur la place
Primero de Mayo, en face du Palais Législatif. La marche a également lieu dans d’autres
villes du pays, comme à Colonia del Sacramento, Las Piedras, Santa Lucia, et Minas.
Marche pour la diversité du 30 septembre 2022 à Montevideo. Crédit : Alessandro Maradei.
Dès le début de la manifestation, les organisations à l’origine de l’initiative ont dénoncé le
démantèlement, par le gouvernement conservateur actuel de Luis Lacalle Pou, des
programmes et dispositifs sociaux destinés aux personnes en situation de vulnérabilité. La
consigne choisie par la Coordinatrice pour la Marche de la Diversité pour cette année est la
suivante “Les rues sont à nous, l’État doit répondre aux besoins de la population”. De
nouveau, la perspective intersectionnelle des luttes est affichée.
Des milliers de personnes étaient présentes à la convocation. Les couleurs du drapeau
arc-en-ciel étaient au rendez-vous. L’ambiance était festive. Sur les pancartes des
manifestant.e.s, on pouvait lire les phrases suivantes “La diversité est un droit, c’est la vie,
une fierté”, “Stop les politiciens homophobes”. Plusieurs familles étaient présentes ; des
parents ont fait le choix de venir manifester avec leurs enfants afin qu’ils/elles prennent
conscience de leur libre droit de pouvoir exprimer leur identité de genre et orientation
sexuelle.
Marche pour la diversité du 30 septembre 2022 à Montevideo. Crédit : Alessandro Maradei.
Les organisations ont célébré les quatre ans de l’approbation de la Loi Trans, établissant que
toute personne est en droit de développer sa propre personnalité en accord avec son identité
de genre, indépendamment de son sexe biologique, génétique, anatomique, morphologique,
hormonal, assigné à sa naissance. Les collectifs regrettent cependant l’impossibilité, sur les
documents officiels, d’échapper à la division binaire homme/femme.
Les collectifs ont également dénoncé les politiques de privatisation de l’État et les discours
anti-droits affichés par certains membres du gouvernement, opposés notamment au droit à
l’avortement, légalisé sous la présidence de José “Pepe” Mujica en 2012. Les organisations
ont défendu une éducation publique et ont dénoncé des coupures budgétaires massives dans
l'enseignement, depuis l’arrivée au pouvoir du Parti National en mars 2020. Elles ont apporté
leur soutien aux personnes gérant les soupes populaires, présentes dans de nombreux
quartiers de la ville de Montevideo et exigent que le gouvernement réponde à ses
responsabilités et garantisse un droit à l’alimentation pour tous.tes. Enfin, le racisme
institutionnel a été dénoncé en raison de la dette historique de l’État uruguayen envers les
peuples originaires. En effet, l’État ne reconnaît pas les peuples autochtones ; l’histoire
officielle affirme que l’Uruguay est un pays sans indigènes. Or d’après le recensement fait
par l’anthropologue uruguayenne Monica Sans, 34% de la population a une ascendance
indigène par sa lignée maternelle. Elle dénonce ainsi un processus d’invisibilisation
historique.
La manifestation s’est conclue avec la proclamation suivante “Luttons contre l’hétéro cis
patriarcat raciste colonial capitaliste. La lutte sera intersectionnelle ou ne sera pas !”.
Il convient de rappeler que l’Uruguay a été un pays pionnier, en Amérique Latine, en matière
de lutte pour les droits des minorités sexuelles. En août 2013, le mariage homosexuel.le a été
voté par le Parlement uruguayen.
Sylvie Argibay.
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