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Photo du rédacteurECIAPanthéonSorbonne

Les Afrolatinos : Noirs en Amérique du Sud



Disséminés aux quatre coins du continent, tous les pays d’Amérique du Sud ont une proportion plus moins significative de citoyens issus du continent africain. Les migrations sud/sud, ainsi que l’esclavage et ses conséquences en sont les principales origines. Les pays d’Amérique du Sud avec le plus grand nombre d’afrodescendants sont : le Brésil avec des estimations proches de 54%, le Vénézuela avec 11% et la Colombie, 10%.

Mais il reste des pays comme l'Argentine qui sont vus comme des pays “blancs”. En d’autres termes, il n’y aurait pas de Noirs en Argentine. De manière plus générale, on a du mal à imaginer qu’il y ait des Latinos Noirs.


Lorsqu’elle n’est pas invisibilisée, l’image des Afro Latinos est dégradée. Marginalisées, les communautés afro-descendantes sont en grande partie à l’écart de la population urbaine, dépourvus d’infrastructures basiques pour le transport, les soins, l’éducation, etc. Nombreux sont ceux qui survivent dans des bidonvilles en périphérie urbaine, dans des campements de fortune en zones rurales ou des cabanes dans leurs exploitations agricoles. Paysans et cultivateurs noirs sont forcés à cultiver de la coca en grande quantité pour subvenir à leurs besoins et bénéficier de la paix des barons de la drogue.


Comme dans les pays du Nord (Amérique du Nord et Europe), on assiste à une émergence globale des mouvements de revendication de la fierté d’être Noir, de l’appartenance à des communautés noires et de tout ce que cela implique, que ce soit au niveau interne (conditions sociales, héritage) ou externe (préjugés, discriminations, exclusion sociales).


L’image des Noirs est encore difficilement assimilée à celle des Latinos, qui seraient deux groupes ethniques distincts et donc non assimilables. Cela est notamment dû aux classifications raciales qui sont faites par exemple aux Etats-Unis, où l’on différencie les “Hispanics”, des “Blacks”. Au sein même des différentes communautés latino-américaines et caribéennes, une distinction est effectuée entre les negros, mulattos, pardos.

Ces classifications millénaires auraient été apportée par les Blancs, véritable pyramide socio-raciale où la blancheur équivaut à respect, succès et pouvoir, elle a été établie par les colons et leurs descendants pour asseoir leur supériorité sur les habitants de couleur plus foncée qu’eux. Il s’agit de la supériorité blanche théorisée par les colons.






Tableau de castes avec 16 métissages et leurs dénominations, XIXe s., Espagne et Amériques


L’image d’un continent métissé et par conséquent exempt de toute forme de racisme est aisément imaginable au vu des sociétés d’un formidable multiculturalisme que l’on trouve en Amérique latine. Malheureusement, la réalité est autre. Similiaire à un système de caste, le colorisme fait partie du quotidien des latino américains mais aussi des caribéens (békés, chabins, métisses, nègres) où les personnes plus foncées sont sujets de moqueries et de rejet. Ce système séculaire tarde à s’effacer, il est encore possible d’entendre des expressions telles que “dommage que tu sois aussi noir(e)/foncé(e)” ou “mejorar la raza” (“améliorer la race” en français, qui implique la nécessité de procréer avec une personne blanche pour améliorer voire “purifier” sa lignée, et ainsi bénéficier de respect et de privilèges). Obtenir un emploi, un logement est plus compliqué lorsque l’on est afrolatino que lorsque l’on est descendant d’européens. Inutile de parler de ce qui les attend pour la demande d’un prêt bancaire.



En Amérique et aux Caraïbes, la classification ethnico-raciale est socialement acceptée, ou du moins elle existe depuis les flux de migrations des époques coloniales européennes (Espagne, Portugal, France, Pays-Bas), mélangeant les autochtones aux Blancs. Puis associant avec la traite transatlantique apportée par ces derniers, les Africains aux indigènes et aux colons, ainsi qu’aux métisses nés de leur rapprochement.


A l’ère moderne, les migrations sud-sud jouent également un rôle important dans la composition ethno-raciale des sociétés sud-américaines. Les Ouest africains en quête d’une vie meilleure tentent leur chance au Brésil, en Uruguay, en Colombie. On peut donc opérer une distinction entre la colonisation imposée et la migration volontaire des Africains.


On dénombre plus ou moins d'afro descendants sur le continent selon l’espace géographique mais aussi l’histoire du pays. Aujourd’hui il y a encore de nombreuses régions du Mexique par exemple où les habitants n'ont vu de Noirs qu’à la télévision, tandis qu’au Brésil, ils représentent plus de la moitié des citoyens.Ceci est en partie expliqué par la proximité géographique entre l’Afrique de l'Ouest, d’où provenait la plus grande partie des esclaves. Concernant la traite négrière, l’Histoire que nous connaissons tant à faire penser que la majorité des Africains esclavisés ont été débarqués aux États-Unis, or ce ne sont que 4% de la totalité des victimes du commerce triangulaire qui y ont été emmenés. Entre le XXIe et le XIXe siècle, 96% des esclavisés en provenance d’Afrique étaient embarqués vers l’Amérique latine.




Représentation dans les médias


Dans la lancée des mouvements de revendication de la fierté noire, s’ensuit celui de l’exigence de l’égalité raciale à tous niveaux. La représentation, l’inclusion forment une part essentielle dans l’avancée vers des sociétés plus compréhensives des minorités et donc plus justes. Dans le cinéma, les Noirs tendent à n’avoir qu’une faible représentation. Cela s'explique par le fait qu’ils ne représentent pas les standards de beauté du continent, bien au contraire. Être un modèle de beauté c’est encore avoir la peau blanche, les yeux clairs, les cheveux lisses et longs mais aussi pour les femmes une bouche pulpeuse, des formes généreuses.


Les télénovelas sont un instrument phare de diffusion de messages, consommées à grande échelle et même exportées. Ce type particulier de séries d’Amérique du Sud attire des millions de téléspectateurs qui suivent assidûment les aventures rocambolesques des personnages au physique irréprochable. Dans les telenovelas, très peu de Noirs, mais les revendications de représentation les emmènent au devant de l’écran. Occupant graduellement des rôles importants, les Noirs sont d’abord femmes de ménages, servantes, si ce n’est esclaves, prostituées, ou SDF.


Leur présence commence à s'accroître également sur les plateaux télévisés en tant que journalistes et chroniqueurs.


Dans l’industrie musicale en revanche, la représentation des afrodescendants persiste. Insufflateurs des sonorités latines connues dans le monde entier salsa, samba, reggaeton, bachata, tango, batucada, leur présence sur la scène musicale est appréciée des latinos.


Représentation politique et sociale


Impossible de parler de représentation politique et sociale des Noirs d’Amérique du Sud sans évoquer la figure incontournable qu’est Dandara dos Palmares. Première militante féministe et anti-raciste, elle est avant tout une figure politique avant-gardiste. Aux côtés de son époux Zumbi dos Palmares, ils dirigent la première communauté d’esclaves fugitifs du Brésil.




La cheffe et guerrière Dandara dos Palmares, XVIIe s., Brésil


Cet exemple de pionnière en la matière pour décrire brièvement les types de leaders Noirs d’Amérique du Sud. Des leaders politiques Noirs pour des communautés noires. La représentation politique des afrodescendants est faite à petite échelle, dans un premier temps elles se cantonnent au cercle des communautés d’afrodescendants (quartier, municipalité, canton) formées pour se soutenir face à la marginalisation. En Colombie par exemple, le département d’El Choco, la ville de San Basilio de Palenque et les îles de San Andrés, Providencia y Santa Catalina sont réputés habités uniquement par des afrodescendants.


Ces représentants politiques portent ensuite la voix de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre au niveau supérieur (département, assemblée législative, ministères). Tout comme dans les autres sphères de la société, en politique les représentants Noirs émergent de plus en plus haut dans les sphères de pouvoir. C’est le cas dans des États tels que la Bolivie, le Vénézuela, la Colombie et le Brésil où la Constitution réserve expressément un nombre de sièges parlementaires aux représentants des communautés afrodescendantes pour une meilleure représentativité et une prise en compte de leurs besoins.


Aujourd’hui Francia Marquez, afrodescendante, figure de la lutte pour l’égalité des droits et l’environnement, est candidate pour la vice-présidence de la Colombie en tant que colistière de Gustavo Petro, favori des sondages.



Francia Marquez, colistière du candidat à l’élection présidentielle Gustavo Petro en 2022, Colombie





L’influence africaine en Amérique Latine


Malgré le manque de reconnaissance à la culture africaine qui ressort du continent, les apports dans chaque domaine culturel latino de l’Afrique ne sont pas négligeables.

Des sonorités des percussions, des chants, des danses, en passant par la nourriture, les styles vestimentaires, les aspects coutumiers et religieux, rien n’y échappe.




Groupe d’afrocolombiennes fières prises en photo avec une touriste (2e à gauche)



On retrouve même des circuits touristiques qui incluent l’afrolatinité au programme, très prisés par la diaspora africaine internationale notamment mais aussi par les Blancs, Hispaniques, Asiatiques, Arabes intéressés par les aspects de ces cultures invisibilisées.







Sources:


Agustina Barrachina, Les racines africaines d’un pays qui s’imaginait blanc

Régis Minvielle, chercheur en sociologie sur les identités noires en Amérique du Sud (Sao Paulo et Buenos Aires): Les Africanos de República, La naissance d’une centralité africaine au cœur de São Paulo; Africains et Afro-descendants à Buenos Aires : un cosmopolitisme noir en quête d’affirmation;

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