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Vers une loi légalisant l’avortement en Argentine ?


Plus de quatre millions d’avortements clandestins sont réalisés chaque année en Amérique latine dont un demi million par an en Argentine. Dans la région seuls trois pays autorisent l’avortement sans condition : Cuba, la Guyane et l’Uruguay.


Les conditions d’avortement en Argentine sont très strictes. Depuis 1921, le Code pénal interdit l'avortement sauf en cas de danger pour la santé de la mère ou de viol sur une femme handicapée mentale ou démente. Il prévoit par ailleurs des peines allant de un à quatre ans de prison pour les femmes qui décident de mettre un terme à leur grossesse. Depuis une dizaine d’années le débat a été relancé en Argentine, remettant ainsi en jeu des questions morales, religieuses et de santé publique. Récemment un projet de loi avait été élaboré. Il aurait permis aux femmes d'avorter jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse sur simple demande. Il autorisait également les praticiens à être objecteurs de conscience, interdisant cependant aux établissements de santé de refuser de pratiquer des IVG.


Le 14 juin dernier, jour du vote du projet de loi par les députés, plusieurs centaines de milliers de personnes s’étaient réunies avec joie dans la ville. Le 14 juin, le texte avait été approuvé de justesse à la Chambre des députés à 129 voix contre 125, constituant une première victoire historique, mais son approbation définitive était suspendue au vote des sénateurs mercredi 8 août 2018. Mais jeudi 9 août tout espoir d’une avancée des droits des femmes en Argentine s’est effondrée par le rejet du projet de loi par le Sénat, considéré plus conservateur que la Chambre des députés.


Sur les réseaux sociaux, les partisans du « oui » se sont exprimés massivement : des milliers de témoignages ont ainsi afflué sur Twitter via le hashtag « Yoaborté ». En guise de signe de militantisme, ils ont choisi comme représentation le foulard vert, porté autour du cou, en référence au foulard blanc que portaient sur la tête les Mères de la Place de Mai. Le vert, couleur de l’espoir, celui de voir enfin progresser le droit à l’avortement et la condition de la femme dans ce pays d’Amérique latine.


Ce projet de loi aura eu le mérite de relancer le débat : de profondes divisions sont apparues pour la première fois au sein de la coalition de centre droit au pouvoir, Cambiemos, mais également dans l’opposition péroniste. Dès le lendemain du vote au Sénat, des parlementaires de Cambiemos qui avaient voté en faveur du projet de loi sur la légalisation de l’avortement ont proposé l’organisation d’un référendum. Une initiative qui a été pour l’instant rejetée par le président Macri, qui ne cache pas son ambition de briguer un second mandat présidentiel.


En Argentine, l'Eglise catholique possède une grande influence et reçoit un financement de l'Etat pour payer les salaires de ses évêques et financer l'éducation catholique : sur 41 millions d'Argentins, 75% se déclarent catholiques.

Après le rejet du vote par le Sénat de nombreux Argentins réclament la séparation totale de l'Eglise et de l'Etat, estimant que l'Eglise catholique a influencé cette décision. Le Pape Francois avait comparé les IVG à l'Holocauste et des prêtres avaient menacé d'excommunier les législateurs qui voteraient le texte.

Pour répondre à ce rejet par le Sénat, de plus en plus de personnes renoncent aux baptême pour protester contre le poids de cette institution.


Le débat pourrait reprendre d’ici à un an. Ce projet de loi accepté par les députés reste une avancée importante pour le pays. Cependant l'élection présidentielle est programmée pour octobre 2019 et il est peu probable qu'une question aussi controversée s'invite au Congrès en pleine campagne électorale.

Pour le moment, le président Marcri a quand même annoncé un plan pour renforcer l'éducation sexuelle et la distribution de moyens de contraception pour prévenir les grossesses non désirées des adolescentes, avec la participation des ministères de la Santé, du Développement social et de l'éducation.


Léa Warscotte

Militantes féministes pour le droit à l’IVG

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